2010a, « Penser la crise, méditer la guerre… » avec Alain Vuitel

Christian Bühlmann (2010) and Alain Vuitel. « Penser la crise, méditer la guerre: une relecture contemporaine de Daniel Reichel. » In Le feu et la plume : hommage à Daniel Reichel, Bière: Cabédita.

« Le génie militaire ne se trouve pas seulement dans la lutte mais aussi dans la pensée, et [il] est une longue patience. » Daniel Reichel

Né en 1925, le colonel EMG Daniel Reichel peut être considéré comme un enfant du second conflit mondial et un soldat de la Guerre froide. Concerné, comme tous les officiers de sa génération, par la menace soviétique, il cherche des réponses à l’idéologie communiste et aux risques d’attaque militaire du pacte de Varsovie contre la Suisse. Pour Reichel, l’histoire constitue une référence indispensable  pour conserver une connaissance et une culture militaire propre à la Suisse (romande) avec, pour objectif, de préserver la substance du peuple. Il propose une synthèse et des pistes de réflexion avec sa quadrilogie Le feu, Le choc, La manœuvre et l’incertitude.

Après la chute du Mur de Berlin, les conditions géostratégiques qui prévalaient du temps de Reichel se sont radicalement transformées. On observe un déclin général du risque de guerre interétatique en Europe et, d’autre part, une plus grande propension à recourir à la force armée pour stabiliser les régions en crise. De plus, on distingue une augmentation des risques de nature non militaire et non étatique, comme par exemple le terrorisme, la criminalité ainsi que la prolifération d’armes et de technologies de destructions massives. Dissuader et conduire la guerre ne suffisent plus pour faire façon des dangers actuels ; une approche plus large, la gestion de crise, s’impose.

On pourrait dans ces conditions être tenté de croire que la pensée militaire  de Reichel ne représente plus une réponse adéquate aux menaces de notre temps, malgré son intégration dans les règlements militaire actuels de l’armée suisse. Il convient donc de s’interroger : dans quelle mesure sa méthode et sa vision sont-elles compatibles avec la transformation révolutionnaire de notre environnement stratégique ? Lorsque des États faillis, voire des organisations non étatiques, défient les nations, les réflexions du penseur romand portant sur la guerre entre États sont-elles encore applicables ? La guerre totale, menaçant la survie même de la Suisse, n’est plus d’actualité. Les risques et dangers de la période postmodernes sont polymorphes, incertaines, mais ne mettent plus directement l’existence physique de l’État en cause.

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