Dans une tribune publiée en juillet 2022, « Guerre en Ukraine : être réaliste, c’est croire au rapport de force et à la dissuasion (*) », le politologue Jean – Baptiste Jeangène Vilmer discute notamment la place de la morale dans une conception réaliste de la vie internationale.
« Cela peut sembler paradoxal à l’heure où nous assistons à la barbarisation de la guerre en Ukraine, mais il y a une véritable moralisation des relations internationales, au sens où les acteurs invoquent de plus en plus des arguments moraux et juridiques pour justifier leurs actions, ou condamner celles des autres. Non parce qu’ils seraient plus moraux qu’avant – les États comme les hommes et les femmes qui les composent agissent toujours autant par intérêt, car l’égoïsme fait partie de la nature humaine –, mais parce qu’ils estiment qu’ils doivent davantage sembler l’être. Loin d’exclure toute considération morale de leurs analyses, les vrais réalistes sont simplement attentifs à ce que ces considérations ne s’abstraient pas des contraintes du réel. L’éthique réaliste est celle du moindre mal – “ce n’est jamais la lutte entre le bien et le mal, disait Aron, c’est le préférable contre le détestable” – et en cela elle est tragique. Mais il ne s’agit pas moins d’une éthique. »
(*) Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer, « Guerre en Ukraine : être réaliste, c’est croire au rapport de force et à la dissuasion », Le Monde, 10 juillet 2022.
La citation de Aron est tirée de Le spectateur engagé.