Allocution prononcée à l’ouverture de l’après-midi du colloque du 12 février 2011.
Comme ancien officier supérieur adjoint du chef de l’Armée (CdA), c’est avec émotion que j’ai contribué à cet hommage à Bernard Barbey, chef d’état-major (EM) personnel du général Guisan. La similitude de l’organisation, à défaut de la proximité du contexte historique, est l’organisation, à défaut de la proximité du contexte historique, est passionnante. Le brigadier Daniel Berger, président du Centre d’histoire et de prospective militaires (CHPM), soulignait aussi, par-delà les aspects de prospective militaires (CHPM), les aspects on ne peut que l’approuver.
Nombre de problèmes éternels de notre système militaire sont en effet décrits dans les deux ouvrages militaires majeurs de Barbey, P.C. du Général et Aller et retour : ainsi, l’influence marquée de la politique sur les décisions militaires, qui dépasse, dans le niveau de détail des prescriptions, la «blosse Fortsetzung der Politik», chère à Carl von Clausewitz,’ les frictions entre les niveaux de commandement ; la difficile mise en œuvre aux bas échelons des missions ordonnées par le commandement suprême ; la nécessité incontournable d’un niveau militaire stratégique.
En publiant des fragments de son journal sur ses Aller et retour entre la Suisse et la France, puis sur son engagement de chef d’état-major auprès du commandant en chef de l’armée, Bernard Barbey ne rédige pas un « livre de souvenirs », mais de véritables écrits militaires. Lire sa narration des combats de fin 1944 à la frontière du Jura avec une carte de la région permet de vivre avec lui les actions des troupes allemandes et françaises . Même s’il ne restitue que des extraits « tronqués », retranscrit sous leur forme brute, sans adaptation postérieure (une démarche qu’il qualifie de « sacrifice d’écrivain ») , il peint avec style, sans négliger des descriptions impressionnistes. Au hasard des pages: les dragons vaudois dans la campagne fribourgeoise en hiver, le souffle et les odeurs des chevaux, les timbres de leur harnachement ou le décor de ses promenades dans les Préalpes bernoises. Il reste écrivain, même lorsqu’il consigne son quotidien de soldat. Nanti d’un sens tactique et opératif développé, appliquant avec maestria son métier d’aide de commandement et de chef d’état-major, il ne fixe pourtant pas les bases d’un nouveau système d’emploi des forces ou d’une vision originale des opérations. Barbey n’est donc pas à proprement parler un penseur militaire. Il cherche, comme tout bon officier d’état-major général (EMG), «à passer du papier aux travaux, de la parole aux actes». Il n’en a pas moins un grand intérêt pour l’art et la science de la guerre. Selon la terminologie proposée par Hervé Coutau-Bégarie, on peut donc le considérer comme un stratégiste.
Christian Bühlmann (2016) « Bernard Barbey : écrivain militaire, stratégiste, diplomate » in Roger Durand (sous la direction de ) Bernard Barbey, écrivain, journaliste, officier, Genève, La Baconnière, pp. 119 – 122.