Alexandre Vautravers, Christian Bühlmann & Urs Leffel (2022) « Le but, l’objectif et les moyens (Zweck, Ziel und Mittel) », Revue militaire Suisse (01), p.13-15
Lors de sa présentation des capacités du futur « cyber command », le divisionnaire Alain Vuitel a encouragé les participants à « réfléchir au questions essentielles » et « faire vivre les idées pour notre sécurité ».
Non que nos soldats et nos cadres manquent de réflections, d’idées ou d’envie de s’instruire et de développer leurs compétences. Mais il faut, à un échelon donné, mettre en cohérence et synchroniser les initiatives, les idées, les doctrines, les options, les processus – afin de rendre le travail efficace et de se focaliser sur un objectif.
Les participants au Stage opératif de l’Armée sont incorporés pour la plupart au Commandement des opérations (Cdmt Op), à l’instruction opérative (SCOS), ou à l’Etat-major militaire stratégique (MSS). La mise en commun de personnalités expérimentées, souvent aux nombreux talents, connaissant bien la pyramide institutionnelle de l’Armée et de l’administration fédérale, mais riche également de nombreuses autres expériences et spécialités – est une opportunité unique, que l’on ne saurait comparer qu’avec certaines Hautes écoles de management internationales. Le ticket d’entrée est donc très exclusif. Les félicitations lors de l’achèvement du stage, diplôme en main, sont alors une réelle fierté.
En simplifiant le propos, focalisé sur la pensée dominante, le niveau opératif – un concept en soi complexe et contesté – trouve son origine dans la période post-napoléonienne, marquée par des transformations majeures de la guerre. En particulier, les armées nationales du XIXe et du XXe siècle, aux effectifs gonflés par la conscription et répartis sur un vaste territoire, ne représentaient plus un objectif ponctuel, mais une cible étendue, impossible à éliminer dans une seule bataille. Après la Première Guerre mondiale, la futilité d’une attaque frontale semblait évidente aux penseurs militaires soviétiques et allemands: seule une campagne dans la profondeur, orchestrant une série de chocs systémiques sur l’armée, la population et le gouvernement, pouvait à leurs yeux défaire l’adversaire. Cette manœuvre de la force dans l’espace et le temps constitue l’art opératif, qui fut mis en œuvre par la Wehrmacht au cours la campagne de France et sur le front de l’Est par l’Armée rouge.